mardi 8 janvier 2008

ETONDE EKOTO PARLAIT DE SON PATRIOTISME ECONOMIQUE !

Le colonel Edouard Etonde Ekoto est un homme entièrement à part, un visionnaire et un bâtisseur,un officier de St CYR qui a mis l'accent sur le développement de l'agriculture au point de devenir l'un des plus remarquables opérateurs économiques en Afrique. Parce que beaucoup de contre-vérités sont véhiculées sur son compte, ce qui permet à beaucoup de parler sans connaître l'homme et son oeuvre, quoi de plus normal après la propagande médiatique qui a préparé sa chute, "Liberezedouardetondeekoto" revient sur une interview réalisée il y a quelques années, en 1999,dans laquelle l'ancien délégué auprès de la communauté urbaine de Douala parlait de sa vision du patriotisme via l'agriculture, afin de répondre aux enjeux de la mondialisation. Quand on pense que le Cameroun, contre l'avis de la majorité des pays africains, est revenu sur la position de la majorité des chefs d'Etat Africains présents lors du dernier sommet Europe-Afrique de Lisbonne, ( 7 au 9 décembre 2007), en signant les APE, on imagine bien ce que peut en penser Edouard Etonde Ekoto. L'homme a toujours défendu les intérêts de son pays et du continent Noir devant la volonté hégémonique des pays occidentaux, on ne peut pas en dire autant pour les "élites" politiques africaines qui ont démissionné complètement de ce qui se passe chez eux et en Afrique en général.
" Donner à la population une aisance matérielle, c’est une manière de développer le patriotisme. Ceci pour dire que quelqu’un qui est bien chez lui, dans son environnement, défend les conditions de ce bien-être et ne peut pas aller à l’aventure. Tout cela participe du patriotisme et de la défense de l’intérêt national." Tel a toujours été le leitmotiv de cet homme qui est désormais un "prisonnier politique" dans un pays qui regarde son avenir dans un retroviseur depuis un quart de siècle maintenant.

L3E

Un officier supérieur de l'armée reconverti dans l'agriculture, la chose n'est pas courante, surtout en Afrique où les soldats présentent leurs états de service davantage dans les rebellions armées, les coups d'Etat et les conflits.

C'est pourtant ce qu'a librement fait le Colonel Edouard Etondé Ekoto, l'un des tout premiers officiers de haut niveau de l'armée camerounaise. L'homme a dit adieu aux armes,

selon la formule de Hemingway, au zénith de sa carrière, à un moment où il était certainement appelé à monter en grade. Bien qu'il soit peu loquace sur les raisons de son départ

de l'armée, il ne fait pas de doute que le Colonel Etondé avait sa vision de la mission de l'armée dans un pays en développement vision à laquelle il croit toujours, mais qui n'est pas forcément partagée par tout le monde.

L'homme a gardé les qualités de la "grande muette": discrétion, rigueur, conviction, efficacité.

Aujourd'hui à la tête d'AGROCOM (Agriculture et Communication: association des opérateurs privés des filières d'exportation), l'exportation est son nouveau front de bataille et sa stratégie est l'organisation des producteurs de cultures vivrières en filière. ECOVOX a rencontré ce militaire qui a troqué le fusil contre la pioche.


ECOVOX : Mon Colonel, vous avez dit adieu aux armes pour vous engager dans l’agriculture. Qu’est-ce qui a justifié votre reconversion ?

Edouard Etonde Ekoto : Il faut savoir quitter les choses avant que les choses ne vous quittent. Le contexte de mon départ était assez complexe. Les circonstances de l’époque m’ont poussé à quitter l’armée. La seule possibilité qui m’était offerte a été de m’investir dans l’agriculture où j’avais commencé à injecter de l’argent depuis 1972. J’étais déjà producteur de cacao dans la région de Ntui à Talba précisément, de café à Njohe. J’avais donc un back-ground qui me permettait de ne pas accepter un certain nombre de choses qui m’étaient imposées par mon statut et de pouvoir voler de mes propres ailes sans de gros risques. L’agriculture, à cette époque-là, avait été assez encouragée dans le cadre de ce qu’on appelait alors "la révolution verte". Le FONADER venait d’être créé et un certain nombre de conditions permettait d’envisager de se développer et de s’épanouir dans l’agriculture. Ma nomination comme Directeur Général de l’Office National de Participation au Développement (O.N.P.D.), a été une première étape pour me sortir du contact direct avec les militaires et m’avait donné l’occasion de montrer qu’un militaire pouvait faire autre chose. Je crois sincèrement que mon choix n’a pas été suicidaire ; bien que risqué, cela a été un choix bien réfléchi et, grâce à Dieu, il s’est révélé heureux.

ECOVOX : Vous avez évoqué tout à l’heure votre passage à l’ONPD. Pensez-vous qu’en temps de paix l’armée devrait s’investir dans le développement ?

E.E.E. : C’est une question à laquelle j’ai donné des réponses depuis bien longtemps. Pendant que j’étais à l’Ecole Supérieure de Guerre en 70-72, j’avais adressé au commandement militaire plusieurs études sur la manière de faire participer l’armée au développement. L’armée peut très valablement faire autre chose que la préparation à la guerre, parce que la participation de l’armée à l’économie est une autre forme de défense. Donner à la population une aisance matérielle, c’est une manière de développer le patriotisme. Ceci pour dire que quelqu’un qui est bien chez lui, dans son environnement, défend les conditions de ce bien-être et ne peut pas aller à l’aventure. Tout cela participe du patriotisme et de la défense de l’intérêt national.

ECOVOX : Ce que vous dites, mon Colonel, est d’autant plus vrai que l’une des causes avancées des conflits en Afrique, c’est la fracture sociale…

E.E.E. : La fracture sociale, ce n’est pas qu’en Afrique. Depuis les chocs pétroliers de 73 et de 79, il s’est produit dans le monde un événement d’une importance extraordinaire : l’augmentation exceptionnellement importante de la masse monétaire en raison de l’augmentation brutale des revenus du pétrole. Dans ce contexte-là, des gens se sont retrouvés détenteurs des masses d’argent dont ils ne connaissent pas l’origine et pour lesquelles ils n’ont pas souffert spécifiquement à un moment donné. Et cette distorsion entre l’effort qu’il fallait faire avant pour gagner de l’argent et l’argent qui coule maintenant à flot sans plus nécessiter des efforts particuliers a fait que des gens ont commencé à jouer avec la vie des autres. Vous voyez le problème qui se pose en Angola. Je dirais que malgré une espèce de consensus mondial qui reconnaît que la guerre doit s’arrêter, la guerre ne peut pas prendre fin après plus de 25 ans, en raison des intérêts matériels en jeu. Selon moi, les guerres en Afrique sont la résultante d’un grand nombre de circonstances. Il y a eu dans un premier temps le traité de Berlin qui a découpé l’Afrique n’importe comment, sans tenir le moindre compte des ethnies et des tribus : on retrouve ainsi des Tutsis au Zaïre, des Tutsis au Rwanda, des Tutsis au Burundi ; etc. Ensuite, la colonisation a monté les ethnies les unes contre les autres. Tout le monde sait qu’une grande partie des problèmes du Rwanda et du Burundi a été scientifiquement montée par les Belges, pour leur permettre de maintenir leur autorité sur ces deux pays-là. La commission d’enquête du Parlement français a montré également le rôle joué par la France dans les événements du Rwanda.

ECOVOX : Comme solution aux conflits dans les pays de la région des Grands Lacs, un sénateur américain a défendu au congrès la thèse du redécoupage de l’Afrique. Qu’en pensez-vous ?

E.E.E : Si nous nous attaquons à ce problème-là, on ne s’en sortira pas ! Les pères fondateurs de l’OUA avaient fait une chose fondamentale : celle d’accepter les frontières telles qu’elles ont été héritées de la colonisation. Regardez ce qui se passe entre l’Ethiopie et l’Erithrée. Pour un bout de terrain revendiqué par l’un et l’autre, ils sont en train de dépenser quasiment la totalité de leurs produits intérieurs bruts pour la guerre ; ils s’appauvrissent ce faisant pour un nombre d’années que personne ne peut imaginer. Qui va définir les limites de nos ethnies ? Combien de cabinets faudrait-il pour cela ? Que le sénateur américain réussisse d’abord à régler le problème de la langue officielle aux Etats-Unis (où un maire vient de décréter que, dans sa mairie, la langue officielle c’est l’espagnol) et qu’il nous laisse nous occuper nous-mêmes de nos affaires. Nous arriverons à trouver des formules si les élites acceptent de consacrer davantage de temps à réfléchir sur leur pays. Nos élites ont démissionné complètement de ce qui se passe chez eux et en Afrique en général.

ECOVOX : Pour nous replonger dans les questions de développement, pouvez-vous nous donner la philosophie d’AGROCOM que vous dirigez ?

E.E.E. : La philosophie d’AGROCOM, c’est une philosophie extrêmement simple. Nous voulons produire davantage. Pour produire davantage, il faut trouver des marchés. Pour trouver des marchés, il faut être capable de ravitailler ces marchés de manière régulière, en quantité et en qualité. Pour pouvoir le faire, vous devez regrouper les gens, non pas pour les obliger à produire en même temps, mais pour qu’ils puissent se communiquer les dates et les quantités des produits qu’ils sont en mesure de faire, de manière à pouvoir organiser la collecte de ces produits et leur mise en marché… Pour obtenir les volumes nécessaires, nous organisons le développement de la production par filières. Notre rôle se limite à organiser la collecte, à identifier les bassins de production, à faire en sorte qu’il y ait des transporteurs qui aillent dans ces zones-là pendant la période de forte production. Par ailleurs, nous organisons le stockage pour éviter d’avoir à tout vendre en peu de temps au moment de la plus forte production ; donc d’établir la période de commercialisation pour améliorer les recettes des producteurs. Ce sont ces activités là qui sont à la base de l’idée d’AGROCOM. Notre association est donc concernée par la production, le transport, la commercialisation et exportation.

ECOVOX : La tournée que vous effectuez actuellement pour sensibiliser les élites économiques participe donc de cette philosophie…

E.E.E.: Notre production est faible, parce que les producteurs ont un niveau de formation limité qui les oblige à ne faire que l’agriculture de subsistance ; parce qu’ils n’ont pas assez d’imagination pour penser des choses compliquées ; parce que les problèmes que pose la collecte des produits, en plus de leur transport groupé, ne sont pas simples. Je souhaite donc que les élites participent à toute cette opération, à toute cette dynamique ; qu’elles amènent un certain nombre de gens à acheter des camions ensemble, un certain nombre de gens à construire des hangars de stockage et d’autres à s’organiser pour exporter vers la sous-région ou vers les pays plus lointains. Nous savons que dans nos manifestations, les élites intérieures et extérieures sont respectées. Les populations de leur village leur font confiance. Il ne faut donc pas que les élites aillent dans les villages simplement au moment des campagnes électorales, pour prendre en plus la place des villageois. Il faut qu’elles descendent de leur piédestal pour participer davantage au développement. Elles doivent constituer les chaînons manquants de la chaîne du développement rural.

ECOVOX : Quel accueil les élites ont-elles réservé à votre message ?

E.E.E. : Jusqu’à maintenant, nous avons fait deux rencontres. Une pour les élites du Grand Nord et une pour les élites de l’Ouest. Aux élites du Grand Nord, nous avons demandé de s’impliquer dans des choses immédiatement disponibles, par exemple dans la collecte de la gomme arabique. C’est un produit qui rentre dans la fabrication de beaucoup de jus, des produits de consommation hygiéniques. Depuis lors, non seulement les élites du Nord se sont mises à la collecte de la gomme arabique, mais une vingtaine d’hectares de ciprès senegals ont déjà été plantés. Le nombre de gens qui viennent dans nos bureaux ou qui téléphonent pour demander les compléments d’information n’est pas négligeable. Pour l’oignon, les "Aladji" sont en train de s’organiser pour créer des associations de transporteurs et de commerçants. Pour ce qui est de l’Ouest, les résultats sont encore plus encourageants. Nous avons terminé la réunion à Bandjoun, le 17 juillet 1999. La semaine qui a suivi, il y avait déjà deux réunions identiques dans deux chefferies. Le problème, c’était d’abord de s’assurer que les débouchés dont nous avons parlé étaient réellement possibles. Nous l’avons confirmé tout au long de la rencontre, avec des exemples à l’appui. Il faudrait d’abord que les gens réussissent à intégrer que c’est par l’augmentation de la richesse individuelle, qu’arrive la richesse, donc le développement général. Au lieu d’être jaloux de voir le voisin s’enrichir, le Camerounais devrait en être heureux, parce que, forcément, une partie de la richesse du voisin arrive à lui, ne serait-ce que par les impôts supplémentaires que paie ce voisin.

ECOVOX : Mon colonel, pouvons-nous aborder la question spécifique des contraintes de l’exportation des produits agricoles ?

E.E.E. : Les contraintes sont multiples. Il y a déjà le transport routier (la longueur des trajets, l’état des routes), le manque de logistique aérienne fret aérien ayant une faible capacité, pertes enregistrées en pleine campagne de Pâques à cause de la décision de la CAMAIR d’envoyer le Boeing 747 Combi en grande révision, sans pour autant que des mesures d’accompagnement soient prises), la vétusté des moyens de transport, notamment depuis la dévaluation du F CFA qui a augmenté d’une manière extraordinaire le prix des pièces détachées. Conséquence : le transporteur ne peut plus faire des réparations avec des pièces fiables, il est contraint d’utiliser les pièces d’occasion dont on ne sait d’où elles viennent. Cela entraîne des pannes fréquentes et des déperditions de marchandises. Il y avait les problèmes de taxes à l’exportation qui, heureusement, ont été supprimées par la dernière loi des finances. Un peu aussi grâce à nous. Il y a le problème des incompréhensions entre les opérateurs et l’administration. Pour ces diverses raisons, mettre son argent dans l’agriculture est un pari et un acte de foi. Je peux cependant dire que c’est un pari qui peut être gagné, parce que à AGROCOM, nous mettons tout en œuvre pour qu’on trouve des solutions, même ponctuelles, au fur et à mesure. Et nous avons sensibilisé toutes les autorités de la chaîne hiérarchique. Vous avez suivi le discours du Président de la République le 31 décembre 1998. Vous avez également entendu son discours du 11 février. Ces deux discours montrent un changement fondamental, et c’est très important.

ECOVOX : Parlant de la prise de conscience des autorités gouvernementales, vous savez très bien qu’une chose est de prendre conscience et une autre est de traduire cette prise de conscience dans les faits. Que dites-vous à ce sujet?

E.E.E. : Le gouvernement décide, fixe les orientations et l’administration applique. Vous savez que le gouvernement a interdit depuis près de deux ans les barrages routiers. Vous avez entendu un grand responsable, le Délégué Général à la Sûreté nationale, l’interdire pendant ses tournées. Qu’en est-il aujour- d’hui ? L’administration camerounaise est lourde. Le GICAM, à plusieurs reprises, a demandé à l’Etat de redonner aux fonctionnaires des salaires décents, de manière à diminuer fortement cette lourdeur qui est, je dirais, une manière de subvenir aux besoins des différents fonctionnaires dans la chaîne hiérarchique.

ECOVOX : Nous allons orienter maintenant notre entretien sur la question des négociations C.E.E. - ACP …

E.E.E. : Ayant peu participé à ces négociations, je n’ai pas une connaissance détaillée du point où les négociations sont à l’heure qu’il est. Je sais simplement que tout le monde est convaincu que malgré l’OMC (l’Organisation Mondiale du Commerce), on est obligé de maintenir à l’Afrique et aux ACP une certaine exception. L’après Lomé qui se dessine ne se fera plus en terme de quotas et d’avantages commerciaux spécifiques, mais certainement en terme d’une assistance plus grande à l’amélioration de notre productivité, donc de notre compétitivité. C’est ce qui se fait déjà dans le cadre des discussions sur la banane. Vous savez que le problème bananier est le premier point d’achoppement dans le cadre de l’OMC. En raison de la plainte des Etats-Unis, la solution qu’on est en train de trouver c’est que l’Union Européenne assiste davantage les producteurs ACP pour améliorer leur performance, de manière à ce qu’ils deviennent plus compétitifs et qu’ils puissent voler de leurs propres ailes.

ECOVOX : Le gouvernement camerounais, dans son budget annuel, consacre près de 2/5 du budget au service de la dette. Qu’en pensez-vous ?

E.E.E. : Il est indispensable qu’on continue à accorder aux problèmes de la dette autant d’importance, parce que c’est en respectant les engagements dans le cadre de l’ajustement structurel renforcé que nous pouvons progresser. C’est une chose extraordinaire que les Camerounais acceptent, avec le sourire, la situation du pays pauvre très endetté qui maintenant est le nec plus ultra. Au lieu d’être un pays à revenu intermédiaire – ce que tout le monde revendiquait dans le passé -, c’est-à-dire un pays qui est en voie d’accéder au club des pays développés, tout le monde doit se battre maintenant pour devenir pays pauvre très endetté, de manière à ce qu’on puisse supprimer sa dette ou la transformer en investissement. Ce qui, dans le cas du Cameroun par exemple, permettrait de transformer 450 à 500 milliards de francs par an en investissement productif. C’est-à-dire que du jour au lendemain, si nous sommes intégrés à ce club de la pauvreté, le Cameroun pourrait consacrer à la construction des écoles, des hôpitaux et des routes, l’équivalent de 450 à 500 milliards de francs par an, parce que les bailleurs de fonds veilleront à ce que cet argent soit effectivement utilisé. Ce n’est pas une mauvaise chose. Je crois que les Camerounais devraient prier pour qu’il en soit ainsi.

ECOVOX : Votre intervention nous amène à vous demander quelle lecture est-ce que vous faites des résultats du sommet de Cologne par rapport à la dette ?

E.E. E. : La remise de la dette décidée par le G7-8 est intéressante, parce qu’il faut quand même que vous fassiez des efforts. Si un pays décide de remettre la dette sans contrepartie, ce n’est pas pour vous empêcher de continuer à mal utiliser cet argent. Donc moi, je partage complètement la décision de Cologne. Nous nous sommes comportés comme des enfants ; et un enfant doit être surveillé. Le jour où vous accepterez de vous comporter comme des adultes, on ne vous surveillera plus. Je me dis qu’il nous appartient à nous, aux populations de nos pays, de veiller à ce que l’argent qui nous appartient soit bien utilisé. Nous démissionnons tous et laissons faire, parce que nous sommes actuellement les principaux incitateurs à la corruption. Il ne vient à l’idée d’aucun Camerounais d’aller dans un bureau sans avoir son argent dans la poche, pour donner au fonctionnaire. Et même si le fonctionnaire lui prend l’argent sans lui rendre le service, il n’ira pas le dénoncer parce qu’il a peur des représailles. Nous avons tous peur de tout. Tant que nous n’aurons pas accepté de commencer à dénoncer au niveau le plus bas ces choses-là, ça ne se terminera jamais. L’impunité, c’est la continuation de la corruption.

ECOVOX : Croyez-vous que les Africains devraient continuer à miser sur l’aide au développement ?

E.E.E. : L’aide au développement ? Je n’ai jamais réussi à comprendre ce que c’est. C’est la restitution ou le retour des bénéfices indus récoltés sur nous. Donc, si nous pouvions nous battre pour qu’on arrive à un juste prix de nos produits, nous n’aurions besoin de personne. Il faut que nous arrivions à dénoncer certaines incohérences, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur. Vous savez parfaitement que quand on vous prête 10 francs, au moins 4 francs retournent chez le prêteur par des intermédiaires multiples. L’aide n’est pas une solution. La solution, c’est qu’en période de libéralisation, il faut un effort accru de chacun et cet effort doit être payé à son juste prix. Dès que nous aurons le juste prix de nos efforts, nous arriverons à atteindre des niveaux de recettes qui nous évitent d’avoir à tendre la main. Un proverbe de l’Afrique de l’Ouest dit d’ailleurs que "la main qui donne est au-dessus de la main qui reçoit". C’est un signe de dépendance.

ECOVOX : Les plans d’ajustement structurel semblent avoir créé plus de problèmes qu’ils n’en ont résolus (abandon des secteurs sociaux, extension de la pauvreté, chômage, etc.). Ne faut-il pas imaginer d’autres alternatives ?

E.E.E.: L’ajustement structurel n’a fait que de mauvais résultats, tant que les Camerounais ou les fonctionnaires camerounais ont laissé les experts étrangers définir l’ajustement. Dès lors que, pour le troisième accord, ce sont des Camerounais qui ont accepté de réfléchir et de définir les limites des choses sur lesquelles nous allions nous engager, vous avez vu que non seulement le troisième accord est en train de se développer normalement mais, en plus, il n’entraîne pas des contraintes au-dessus du supportable. En clair, cela veut dire que le Camerounais doit accepter d’être adulte ; que les fonctionnaires doivent faire leur boulot ; cela veut dire que quand quelqu’un vient de l’extérieur vous imposer des choses que vous savez insupportables, vous dites non. Regardez ! Nous avons subi les mêmes injonctions que la Côte d’Ivoire il y a 7 ou 8 ans sur les caisses de stabilisation. De notre côté, nous avons liquidé l’ONCPB(Office national de commercialisation des produits de base) ; et en détruisant l’ONCPB, nous avons détruit en partie le café et le cacao du Cameroun, dont la qualité était l’une des meilleures. Aujourd’hui, nous vendons nos produits avec une décote de près de 30 %. La Côte d’Ivoire, avec les mêmes injonctions du Fonds Monétaire International et de la Banque Mondiale, a maintenu sa caisse stable jusqu’à la semaine dernière. Cela veut dire que la Côte d’Ivoire a reçu l’ordre et l’a adapté à ses conditions. Le fonctionnaire camerounais, lui, n’a pas voulu réfléchir. Il a appliqué tout simplement. Ce n’est pas l’ajustement structurel qui en est la cause. C’est la paresse et le manque de nationalisme du fonctionnaire camerounais. Une partie importante des malheurs de nos pays vient de nous-mêmes, des fonctionnaires qui, dans le passé, ont mal géré les dettes que nous avons contractées, qui n’ont pensé qu’à eux-mêmes en consommant et en dilapidant nos sous ; les fonctionnaires qui, quand les choses ont mal tourné, au lieu de réfléchir et d’essayer de participer avec toute leur intelligence et tout leur patriotisme à la résolution des problèmes du pays, ont laissé les gens de l’extérieur venir dicter des conditions dans un contexte qu’ils ignoraient complètement. Nous sommes descendus bien bas. Je suis persuadé maintenant que nous sommes en train de remonter.

ECOVOX :Nous aurions aimé, mon Colonel, que vous jetiez un regard sur la politique agricole telle qu’appliquée au Cameroun en ce moment.

E.E.E. : L’agriculture camerounaise a été très longtemps le fait de slogans. Ce n’est plus le cas maintenant. L’effort qui est consenti dans le secteur agricole n’est plus simplement un discours.

ECOVOX : La mondialisation telle qu’elle est conçue maintenant, est-elle une chance ou un obstacle pour l’exportation des produits agricoles ?

E.E.E. : Je dirais que la mondialisation nous a surpris dans un certain nombre de domaines où il y avait encore une certaine protection. C’est le cas de la banane. Des investissements considérables avaient été consentis par des promoteurs à quelques jours au début de la mondialisation. La bataille du Cameroun et des ACP, c’est de les autoriser à amortir ces crédits importants qu’ils avaient pris, de manière à les mettre sur le même pied d’égalité que les producteurs de l’Amérique Centrale qui eux, ont amorti l’ensemble de leurs coûts depuis une bonne vingtaine d’années. Tous les autres produits du Cameroun (le café, cacao, ananas, etc.) n’ont jamais été vendus dans le cadre de la protection. Nous sommes dans la mondialisation depuis toujours. Le problème de la mondialisation par ailleurs, c’est qu’il faut choisir en fonction de ses capacités. C’est un problème d’organisation de la production, d’organisation des circuits de commercialisation. C’est la raison pour laquelle le développement des filières est une nécessité ; mais des filières dans lesquelles tous les maillons sont solidaires : le producteur, le collecteur, le transporteur, le commerçant, l’exportateur. Tout ce monde doit être solidaire, afin que chaque élément de la chaîne gagne sa vie.


Source: Wagne.Net

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Bonjour,

Biya doit savoir qu'on ne peut pas mentir tout le temps au peuple, un jour viendra où il sera chatié pour ses méfaits. C'est très bientôt, c'est écrit !

O+