mardi 23 février 2010

ETONDE EKOTO ET LA "3EME REPUBLIQUE" !!!!

« Voici la 3 ème République », titrait récemment en Une l’hebdomadaire « L’avocat », pour évoquer la vie carcérale des « people » pris dans le tourbillon de « l’opération Epervier ». Avec une accroche comme celle là, ça devrait être un succès assuré auprès du lectorat camerounais, et du public soucieux de découvrir par le menu tous les détails de la vie des « prévaricateurs » de la République. Combien de journaux vendus ? Combien de tirages supplémentaires pour cause de rupture de stocks après ce dossier à charge ? Passons.
« Embastillés depuis un certain temps, les prisonniers de luxe savent qu’ils n’y sont pas pour longtemps », pouvait-on lire en couverture. «Comment ils vivent en prison », s’interrogeait l’hebdomadaire ? Et de poursuivre sur « leur stratégie de prise de pouvoir », enchaînant sur la composition du futur Etat camerounais, où Edouard Etonde Ekoto, colonel à la retraite depuis trois décennies !, occuperait le poste de ministre de la Défense. Autant dire qu’en cas de réalisation de ce gouvernement virtuel l’ancien militaire reviendrait à ses premières amours. C’est le destin, on vous dit !
Concernant ses autres compagnons d’infortune, eux aussi n’étaient pas oubliés par l’hebdomadaire, d’où l’attribution des postes ministériels ci-dessous.
Pierre Désiré Engo était désigné Président de la République……depuis sa prison de New Bell !
Titus Edzoa était nommé Vice-Président de la République …….depuis sa celllule de la prison de Kondengui !
Forjindam Mungwé devenait le Premier ministre….depuis sa cellule de la rison de New Bell !
Haman Adama était promu ministre d’Etat et secrétaire générale de la Présidence…..depuis sa prison de Kondengui !
Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’à travers ce chamboulement improbable au sommet de l’Etat, le journalisme camerounais démontrait combien il excellait plus dans le comique et l’humour potache que dans le respect de l’éthique professionnelle. Comme quoi, on n’a que la presse qu’on mérite dans ce pays.
Trois principaux enseignements sont à tirer de cette « édition spéciale » consacrée à la « 3ème République » issue des bas fonds de l’univers carcéral camerounais.

Premièrement, La volonté de lyncher, désinformer et calomnier tous ceux qui se retrouvent sous les barreaux au nom du Président de la République ne fait aucun doute. Le rôle des médias est-il d’informer ou de se livrer à des pitreries de mauvais goût, comme en témoigne cette composition d’un gouvernement virtuel, pages 1 et 7 ? ?
Est-ce à la presse que revient le rôle de procureur ? C’est bien un paradoxe de la part d’un hebdomadaire s’appelant « l’Avocat ».

Deuxièmement, il semble évident que le leitmotiv de la presse camerounaise, en particulier cet hebdomadaire, est de faire du sensationnalisme à bas coups. Peu importe si les faits avancés sont tronqués, ce n’est pas le plus important, selon « l’Avocat », car l’essentiel c’est d’appâter le chaland, le lecteur curieux de savoir comment la République traite ses hauts dirigeants tombés en disgrâce par la volonté du monarque. Et pour cela, les arrangements avec la vérité sont légions. Par exemple, comment expliquer que l’hebdomadaire, page 6, évoque un alourdissement de la peine de prison du Colonel Edouard Etondé Ekoto, soit 15 ans (en appel au lieu de 10 ans dans un premier jugement du Tribunal de Grande Instance du Wouri) ? Faut-il rappeler que la collégialité n’a fait que confirmer la peine initiale retenue le 13 décembre 2007 ? Les médias ont-ils pour mission de porter la parole gouvernementale, de diffuser la propagande d’Etat ?
Troisièmement, il y a un problème réel de cohérence journaliste. Quand il n’y a pas de contre sens dans une phrase, dernier article page 6, (la journaliste parle de « la capacité minimale de 700 » au lieu de capacité maximale, en voulant évoquer la surpopulation carcérale approchant 3000 prisonniers), c’est l’absence ne neutralité qui interpelle tant les mots utilisés par les journalistes sont ceux que de procureurs, ces supplétifs du pouvoir. « On est forcément coupable de quelque chose à New-Bell »…. « La fameuse opération Epervier, censée poursuivre et juger les coupables de détournements d’argent public », page 7. Quant à la description des « pipoles » de la cellule 18, elle relève plus des « on dit » que du journalisme. Comment rester crédible lorsque dans le même article l’on évoque « le quartier VIP du pénitencier » tout en dénonçant les conditions de surpopulation carcérale (3500 prisonniers pour 700 places réelles), l’insalubrité, la dangerosité et la vétusté des installations (prison édifiée en 1930)? Peut-on se prétendre journaliste sans respecter un minimum de déontologie ? Par exemple, lorsqu’une journaliste stagiaire rédige l’intégralité d’un article ?
Qu’on ne s’y méprenne pas, ce dossier consacré à la « 3ème République » n’a pas réellement vocation à informer plutôt à divertir au prix de calomnies, approximations, mensonges, etc… Les pourfendeurs de « l’opération Epervier » se trouvent confortés dans leur combat contre l’arbitraire et la violation des droits de l’homme au Cameroun. Rien que pour cela, l’hebdomadaire « L’avocat » peut se féliciter, à son insu, d’avoir contribué à la manifestation d’une vérité qui dérange.

L3E